Introduction


« Je dirai tes oeuvres puissantes, Seigneur Eternel ! Je rappellerai ta justice, la tienne seule. »
Psaume 71:16

Bolsena (Italie), en 1263

« Dans l'église Sainte-Christine, un prêtre vit depuis longtemps dans un grand tourment à propos de la présence réelle du Christ dans l'hostie. Une fois de plus, ce jour-là, il accomplit les gestes rituels et prononce les phrases avec respect, se demandant "est-ce vraiment Jésus qui est là ?" Après le Notre Père, il accomplit la fraction du pain en deux. Mais voici que sur la patène, l'hostie se transforme en chair vivante, dont le sang coule goutte à goutte. Seule la partie qu'il tient entre ses doigts conserve l'apparence du pain. Le sang envahit le linge d'autel et se répand partout. Saisi d'une émotion indicible, le célébrant affolé voudrait arrêter cette effusion et la dissimuler aux fidèles, mais en vain. Il enveloppe alors dans le corporal l'hostie incarnée, et dépose en hâte ce linge dans la sacristie.

« Le pape Urbain IV se trouve justement en déplacement dans la ville voisine, Orvieto. Informé des faits, il délègue sur place deux théologiens hautement qualifiés, puisqu'il s'agit des futurs saints Thomas d'Aquin et Bonaventure.

« Leur rapport est concluant, et le pape à son tour reconnaît l'authenticité du miracle. Il ordonne le transfert à Orvieto de l'hostie et du linge d'autel ensanglanté. En tête de la procession d'accueil, il reçoit à genoux les preuves tangibles du miracle et les fait entrer dans l'église. »

Le récit merveilleux de ce miracle eucharistique n'est pas extrait d'un livre de chroniques du Moyen-Âge, mais a été trouvé dans un cahier hors série édité par l'hebdomadaire catholique "Famille chrétienne" (Miracles et apparitions, p.34, collection Les cahiers d'EDIFA, n°1, 1997). Cette publication traite des très nombreux phénomènes surnaturels liés à l'histoire de l'Église de Rome : extases, lévitations, stigmates, crucifix miraculeux, statues qui pleurent, etc. Une large part a été faite aussi aux apparitions mariales et à tous les messages et prodiges qui s'y rattachent.

Il est certain que ces manifestations surnaturelles occupent une place importante dans la foi catholique et ont servi bien souvent à conforter le Magistère romain dans ses grandes orientations doctrinales. Le récit du miracle eucharistique que nous avons rapporté ci-dessus nous en fournit un exemple parfait.

En effet, ce prodige qui a eu lieu en 1263, quelques années après la proclamation du dogme de la transsubstantiation1 (1215) apparaît alors comme une éclatante confirmation divine de cette nouvelle croyance. La présence, à proximité des lieux du miracle, des éminents théologiens Thomas d'Aquin et Bonaventure, ainsi que celle du pape Urbain IV, ont été reconnues aussi comme providentielles. Dès lors, tout concordait : Rome avait proclamé un dogme de foi et Dieu l'approuvait en répondant par un signe miraculeux.

Au XIX° siècle, semblable confirmation devait se retrouver à propos du dogme de "l'Immaculée Conception"2 que Rome avait proclamé en 1854 : quatre ans plus tard, l'apparition de la Vierge à Lourdes se désignait elle-même comme cette "Immaculée Conception".

Lorsqu'on est amené à réfléchir sur l'authenticité de ces deux faits miraculeux, deux interprétations se présentent à nous :

Ici, le bon sens et l'honnêteté intellectuelle nous amènent encore à nous poser cette question : comment expliquer que la croyance en ces dogmes et les pratiques cultuelles qui s'y rattachent ne se retrouvent pas dans l'Église des premiers siècles et dans les écrits du Nouveau Testament ?

Le même besoin de discernement s'avère nécessaire pour les autres types de miracles. Par exemple, si l'on cherche à examiner de près les phénomènes de lévitations ou de stigmates expérimentés par beaucoup de "saints" catholiques, on ne peut éviter de remarquer plusieurs points troublants :

Quant aux miracles attachés aux objets de culte (crucifix qui saignent, statues de la Vierge qui pleurent ou sourient), on ne peut qu'être soupçonneux, sachant que Dieu a sévèrement interdit l'usage des images et de leur culte. Il semble à ce sujet que les conducteurs de l'Église Catholique n'aient pas la conscience tranquille, puisqu'ils ont retiré du décalogue le commandement sur l'interdiction des images (voir le Catéchisme de l'Église Catholique, édition 1992, p.440).

Il est certain que l'on ne peut nier la réalité de beaucoup de ces faits surnaturels liés aux croyances et aux pratiques de l'Église Catholique. Mais en reconnaître l'existence ne signifie pas pour autant en accepter l'authenticité. Ni le nombre, ni l'importance des prodiges accomplis ne nous dispensent de chercher à les comprendre, à en discerner l'origine.

D'autant plus que les Écritures nous avertissent solennellement que la fin des temps sera marquée par un déploiement extraordinaire de la puissance séductrice de Satan et de ses anges. Le Seigneur Jésus lui-même, dans son discours sur les derniers temps, a déclaré :

« Car il s'élèvera de faux christs et de faux prophètes ; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus. Voici, je vous l'ai annoncé d'avance » (Matthieu 24:24-25).

L'apôtre Paul, de son côté, annonce

« toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l'iniquité pour ceux qui périssent parce qu'ils n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés. » (2 Thessaloniciens 2:9b-10).

Paul va même jusqu'à nous avertir que

« Satan lui-même se déguise en ange de lumière. Il n'est donc pas étrange que ses ministres aussi se déguisent en ministres de justice » (2 Corinthiens 11:14-15).

Si le danger de séduction spirituelle est si grand, de quel antidote disposons-nous pour ne pas risquer l'empoisonnement ?

Pour les catholiques conscients de ce danger, il n'y a qu'un seul remède fiable : s'en remettre à l'autorité du Magistère de leur Église. Voici comment les auteurs du dossier "Miracles et apparitions", cité ci-dessus, répondent à cette question du discernement :

« Le "doigt de Dieu" nous impressionne toujours et nous avons légitimement peur, ou de ne pas être du bon côté, ou que le père du mensonge vienne y mêler quelques supercheries et quelques confusions.
« C'est pourquoi nous avons tant besoin du service de l'Église et de sa hiérarchie. Celle-ci peut nous paraître lourde, lente, peu inspirée ; mais sommes-nous suffisamment conscients de notre chance ? Être appelés à l'obéissance par notre Mère l'Église à travers ses pasteurs, les évêques unis au Pape, demeure la meilleure des garanties. » (Editorial, p.2).

On ne peut être plus clair : il suffit de faire confiance aux conducteurs de l'Église de Rome pour rester dans la vérité. Ce principe d'obéissance inconditionnelle aux autorités ecclésiastiques a toujours été et demeure le grand recours dans l'Église Catholique, argument d'autant plus fort et efficace qu'il repose sur des fondements bibliques incontestables :

« Obéissez à vos conducteurs et ayez pour eux de la déférence, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte ; qu'il en soit ainsi, afin qu'ils le fassent avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait d'aucun avantage. » (Hébreux 13:17).

Cependant, Dieu n'exige pas de nous l'obéissance aveugle à des conducteurs humains. Il désire avant tout que nous marchions dans la soumission, volontaire et réfléchie, à sa Parole. Le livre des Actes nous donne, avec les Juifs de Bérée (Macédoine), un bon exemple de l'attitude que nous devrions toujours adopter dans notre recherche de la vérité :

« Ces Juifs (de Bérée) avaient des sentiments plus nobles que ceux de Thessalonique ; ils reçurent la parole avec beaucoup d'empressement, et ils examinaient chaque jour les Ecritures, pour voir si ce qu'on leur disait était exact. » (Actes 17:11).

Face aux faits miraculeux et dans notre besoin de discernement, deux parcours s'offrent donc à nous, que nous pourrions représenter d'une manière schématique comme suit :

 

Attitude

Conséquence

Foi catholique

Obéissance impérative et confiance aveugle aux conducteurs spirituels.

Acceptation des faits miraculeux reconnus comme vrais par le Magistère infaillible de Rome.

Foi biblique

Soumission volontaire et réfléchie à la Parole de Dieu.

Reconnaissance des faits miraculeux basée sur la seule norme divine de sa parole.

Remarquons, au passage, que le principe de l'obéissance aux conducteurs spirituels n'est pas absent dans les églises fondées sur le roc de la Parole de Dieu. Et dans ces assemblées, l'autorité des bergers est d'autant plus reconnue et respectée qu'elle se soumet elle-même aux commandements divins.

De la même manière, on doit remarquer que la référence à la Bible n'est pas exclue dans l'Église Catholique. Mais celle-ci est contrôlée par l'autorité ecclésiastique qui ajoute ou retranche selon ses besoins à la Parole divine pour justifier ses définitions doctrinales et ses pratiques cultuelles (cf. entre autres les deux dogmes de la transsubstantiation et de "l'Immaculée Conception" évoqués ci-dessus).

top Foi catholique et foi biblique

Nous montrons ci-dessous comment, à partir d'une question fondamentale de foi posée par un fidèle, les responsables de l'Église Catholique répondent habituellement :

Est-il juste de prier la Vierge et de croire en son rôle médiateur dans l'Église ?

Oui, les nombreuses apparitions mariales, à travers l'histoire de l'Église, sont la preuve que la Vierge agit bien en faveur des chrétiens et, par conséquent, ceux-ci peuvent rechercher son intercession.

Les miracles attribués à la Vierge sont-ils vraiment dignes de foi ?

Oui, parce que le Magistère de l'Église Catholique en garantit l'authenticité, du moins dans le cas des apparitions reconnues par Rome.

Peut-on adhérer, sans risque d'erreur, à tout ce que le Magistère donne à croire ?

Oui, parce que le pape et les évêques sont les héritiers de Pierre et des apôtres, par la volonté de Jésus.

Si nous reprenons maintenant la même question de départ, voici les réponses que donneraient les croyants fondés sur la Parole de Dieu :

Est-il juste de prier la Vierge et de croire en son rôle médiateur dans l'Église ?

Non, parce que la Bible ne parle pas de cela et interdit le type de pratiques cultuelles qui s'y rattachent (utilisation de statues et prières adressées à des morts).

Les miracles attribués à la Vierge ne seraient donc pas authentiques ? Pourtant, les nombreuses guérisons ne rappellent-elles pas la compassion de Dieu et du Christ envers les hommes qui souffrent et les promesses de miracles qui devaient s'accomplir dans le nom de Jésus ?

Jésus et les apôtres nous ont mis en garde contre les signes et les faux miracles accomplis en son nom. Ces avertissements sont pour nous un témoignage de l'amour de Dieu qui désire nous écarter du danger de la séduction dans lequel sont tombés Adam et Eve et, plus tard, le peuple d'Israël.

Le Magistère pourrait donc se tromper ? Pourtant le pape et les évêques sont bien les héritiers directs des apôtres : c'est Jésus lui-même qui l'a déclaré.

Les définitions doctrinales et les croyances imposées par Rome à ses fidèles sont des ajouts purs et simples aux paroles de Jésus et des apôtres que l'on peut trouver dans le Nouveau Testament. Par la volonté de Dieu, les Ecrits inspirés de la Bible sont le seul fondement sur lequel peut s'établir notre foi et la vie de l'Église. La fameuse succession apostolique dont se réclament les conducteurs romains repose sur une interprétation orientée et forcée de quelques versets bibliques (Matthieu 16:18-19).

Est-ce en se réclamant de la succession de Pierre que les conducteurs de l'Église Catholique pourront justifier leurs fausses doctrines ?

Les pharisiens eux-mêmes se réclamaient du nom d'Abraham et de l'Alliance que Dieu avait scellée par serment avec lui. Et pourtant, lorsque Jean-Baptiste les a vu venir vers lui pour demander le baptême, il les a interpellés violemment en ces termes :

« Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir ? Produisez donc du fruit digne de la repentance, et ne prétendez pas dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ! » (Matthieu 3:7-9)

Et Jésus lui-même a fait cette réprimande aux pharisiens et aux scribes :

« Pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au profit de votre tradition ? » (Matthieu 15:3)

Aujourd'hui, on peut faire exactement les mêmes reproches au pape et aux évêques : comment osent-ils se réclamer de Pierre et de l'Evangile, eux qui désobéissent aux commandements de Dieu pour suivre leurs propres traditions ?

La foi biblique

« La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Dieu »
Romains 10:17

La Bible est non seulement un guide infaillible quant à la justification et à la sanctification personnelles, mais aussi une source d'instructions très nette pour l'Église. L'apôtre Paul l'a souligné en ces termes :

« Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œvre » (2 Timothée 3:16).

C'est dans cette attitude d'entière soumission à l'autorité objective de la parole de Dieu que nous voulons à présent nous placer pour essayer de comprendre les miracles et apparitions qui se sont produits au sein de l'Église Catholique.

  1. Dans un premier temps, nous regarderons vers les miracles du Nouveau Testament, ceux accomplis par le Seigneur Jésus et par les apôtres en son nom, afin d'en faire ressortir le véritable sens, leur rôle dans la prédication du salut.
  2. Les miracles étant constamment liés à la notion de sainteté dans l'Église Catholique, nous rechercherons comment celle-ci était définie dans l'Église primitive et ce qu'elle est devenue ensuite avec la dogmatique et selon le droit canon de l'Église de Rome.
  3. L'histoire du peuple d'Israël dans l'Ancien Testament présente une grande quantité d'exemples à suivre ou d'expériences à ne pas reproduire. Paul dit que « ces choses sont arrivées pour servir d'exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles » (1 Corinthiens 10:11). Nous mettrons donc à profit ces leçons de la Bible pour poursuivre notre recherche dans le discernement des faits miraculeux.
  4. Enfin, en nous souvenant des paroles du Seigneur Jésus à Thomas « Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru » (Jean 21:29), nous conclurons cette étude en rappelant deux principes essentiels dans la vie chrétienne : la marche par la foi et l'amour de la vérité.

« Sanctifie-les par ta vérité : ta parole est la vérité. »
Jean 17:17


top Notes

1 - La "transsubstantiation" est le dogme selon lequel le pain et le vin se transforment véritablement en corps et sang de Christ par les rites de consécration accomplis par le prêtre. Le Catéchisme de l'Église Catholique (édition 1992) définit ainsi ce dogme :

« Par la consécration s'opère la transsubstantiation du pain et du vin dans le Corps et le Sang du Christ. Sous les espèces consacrées du pain et du vin, le Christ Lui-même, vivant et glorieux, est présent de manière vraie, réelle et substantielle, son Corps, son Sang, avec son âme et sa divinité. » (Art. n°1413).

2 - Dogme de l'Immaculée Conception (1854) :

« Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu'ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous ses fidèles. »